Merseign Luzonzo à Félix Tshisekedi : Soyez courageux et mettez-nous en position de guerre face au Rwanda (lettre ouverte)

Bonjour cher Président. Par la présente, je viens exprimer ma stupéfaction et mon désarroi quant aux évènements récents.

Depuis votre accession au pouvoir, Président Félix Tshisekedi, vous nous avez habitués à la bienveillance, notamment vis-à-vis de nos voisins, en particulier le Rwanda. Nous avons cru en cette logique, car, il est vrai que l’entente, le bon voisinage, la paix et la cohésion sont la meilleure manière de vivre avec des voisins naturels et probablement éternels. C’est donc cette logique qui prédomine depuis que vous dirigez notre pays : Paul Kagame est votre frère, vous l’invitez à Kinshasa, il se fait acclamer par des kinois ivres de voir à la tête du pays un autre visage que celui de Kabila, nous sommes choqués, mais ça passe, parce que c’est vous, et parce qu’on espère.

C’est parfaitement rationnel, nul ne peut vivre dans une relation de conflit perpétuel avec son voisin. Votre pari, cher Président, est de ramener la paix dans l’Est du Congo, de faire taire les armes par le dialogue et la négociation. Vous pensiez pouvoir convaincre, voire persuader les responsables politiques des pays voisins, souvent cités comme auteurs intellectuels des massacres dont nous sommes victimes, et commanditaires des groupes armés semant la terreur dans notre pays, d’arrêter leurs manigances contre le Congo dans l’intérêt de tous.

C’est ainsi que pour manifester votre bonne foi, et attirer la sympathie de ces derniers, vous vous êtes livré à des manœuvres diplomatiques en direction du Rwanda et de l’Ouganda notamment, incompréhensibles pour le Congolais lambda : signature de contrats économiques aux contours plutôt flous, invitation des armées de ces pays à joindre leurs forces aux nôtres pour combattre ce terrorisme qualifié de régional même s’il ne frappe que le Congo, multiplication de rencontres d’échanges et de discussions sur des thèmes divers et variés, et même des manœuvres pour une révision à la baisse du montant du dédommagement financier attendu de l’Ouganda, après ce que nous savons.

La situation semblait s’être stabilisée, malgré la persistance de certains groupes armés à continuer leurs exactions, alors même que les provinces touchées par ces cas d’agressions ont été mises depuis plus d’un an sous le régime d’exception qu’est l’état de siège, prévu par la Constitution de la République en son article 85. Pourtant, c’est avec stupeur que les citoyens ont appris, ce Lundi 28 Mars 2022, alors que l’actualité internationale est dominée par l’offensive militaire de l’armée Russe en Ukraine, que le groupe dit « armée révolutionnaire congolaise M23 », que l’on croyait mort et enterré, a repris du service et par la même occasion, mené des incursions et attaqué les positions des Forces armées de la République positionnées à Tchanzu et Runyonyi, territoire de Rutshuru, province du Nord-Kivu. Pince-sans-rire, ce mouvement prétendument rebelle affirme avoir riposté à des attaques injustes des Forces armées congolaises alors qu’elles se tenaient tranquilles dans leur coin… L’armée aurait dû les laisser tranquilles, vaquer à leurs occupations nocives, en attendant leur prochain forfait ! Ceci démontre combien le problème est profond, et nécessite une action d’envergure.

Plus grave encore, lors de ces affrontements, l’armée congolaise a mis la main sur deux individus de nationalité rwandaise, membres des Forces de défense du Rwanda, œuvrant très clairement dans le camp de l’ennemi déclaré. Ceci ne fait qu’accréditer la thèse déjà largement partagée, à la fois par les Congolais et par les experts des Nations-Unies auteurs du Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre Mars 1993 et Juin 2003 sur le territoire de la RDC, thèse selon laquelle les commanditaires de ces atrocités ne seraient autres que Paul Kagame, Président du Rwanda, et son régime. Ces deux individus, ayant décliné leurs identités, matricules et unités, ainsi que les identités de leurs responsables hiérarchiques et la localisation de leur campement, le communiqué produit par les Forces armées congolaises fait état d’une grave interrogation sur le sens de cette politique de mutualisation des efforts en vue d’opérations conjointes avec un prétendu partenaire qui ne respecte ni ses engagements vis-à-vis du Congo ni ceux qu’il prend à l’échelle régionale lors de rencontres bilatérales et multilatérales de haut niveau. Une interrogation somme toute légitime, quand on sait que ceux qui souffrent sur le champ de bataille ce ne sont pas les responsables politiques.

De ce communiqué signé le 28 Décembre par le Général de brigade EKENGE Sylvain, se dessine la trace d’un long ras-le-bol des troupes au front vis-à-vis de la politique menée par le haut commandement. C’est un signal fort qui vous est envoyé en tant que décideur en dernier ressort et chef suprême des armées ; je n’ai pas peur de le dire, le fait de maintenir des dialogues improductifs dans des salons feutrés, alors qu’eux, sur la ligne de front, voient bien que la situation ne s’améliore guère et sont constamment sous le feu de ceux que vous qualifiez de « partenaire crédible » depuis Kinshasa, est un motif assez évident de prise du pouvoir par l’armée. Quand cette dernière se met à considérer que la hiérarchie n’a pas assez de poigne pour prendre les décisions utiles et efficaces, et préfère prolonger d’interminables conciliabules alors que sur le terrain la situation ne change pas, la suite logique ce sont des mutineries, qui finissent très souvent en renversement du politique par le militaire. C’est ce qu’on a pu constater au Mali, et plus récemment au Burkina Faso. De plus, le dernier paragraphe de ce communiqué fait état de l’affirmation de la détermination des Forces armées à « accomplir leurs missions constitutionnelles dans le strict respect de leur serment de ne jamais trahir le Congo », des propos pouvant prêter à des interprétations diverses.

Mon point de vue est qu’à la lumière de ces récents évènements, nous devons admettre, et vous le premier, Monsieur le Président, la rationalité d’une déclaration de guerre contre le Rwanda. La diplomatie est totalement inopérante sans la force des armes, et la politique de non-violence ne s’applique pas dans un contexte d’interminables agressions. Dans ces conditions de rupture perpétuelle de confiance, vous devez reconnaître que votre choix du dialogue, de la « mollesse stratégique », des interminables échanges autour d’une question pourtant simple, est un échec patent. Mao Tse-Toung disait que « chaque communiste devrait assimiler que le pouvoir est au bout du fusil », il en est de même pour les Congolais et en particulier pour vous, Monsieur le Président, chantre de la non-violence.

Face à de telles incartades, face à une telle arrogance, un mépris incassable, un dédain aussi évident, je pense que le Congo devrait assumer ses ambitions de puissance et réserver une réponse disproportionnée, prenant en compte ces trois dernières décennies de frustrations. Par réponse disproportionnée, j’entends évidemment que nos forces armées, après vous ayiez décidé d’activer l’article 86 de la Constitution de la République, procèdent à des frappes aveugles en direction de Kigali. Un pays qui se rêve en Allemagne de l’Afrique, c’est-à-dire en première puissance économique, doit avoir des lignes rouges et s’y tenir. Il ne suffit pas de faire des imprécations ou de lancer des boutades contre Kagame, encore moins de produire des t-shirts estampillés « FARDC eloko ya Makasi », « Congo is back », pour que cesse cette situation. Nous ne pouvons pas continuellement subir des attaques venant d’un même acteur, dûment identifié, et être toujours dans une logique de bon voisinage avec un voisin malveillant. Etre la risée du monde, à cause de cette minuscule épine dans notre talon, qui nous empêche d’évoluer positivement, les Congolais en ont marre.

Soyons clair, de la même manière qu’aucun individu ne peut prospérer économiquement et se hisser en haut de l’échelle sociétale si le minimum vital pour sa santé et sa sécurité n’est acquis, aucun pays ne peut sérieusement espérer réaliser ses ambitions de grandeur si sa sécurité physique n’est pas assurée. La prospérité économique, l’intégration sociale, la soutenabilité environnementale, la stabilité institutionnelle, resteront éternellement de beaux lions noirs tant que les frontières de notre pays seront poreuses, et que les voisins considèreront notre territoire comme leur terrain de jeu privilégié. Le Congo ne sera pas en sécurité s’il n’est pas respecté, c’est un principe sacro-saint des relations internationales analysées sous le prisme du réalisme. Et le respect ne s’obtient pas parce qu’on a de bons musiciens, danseurs, ou autres « ambassadeurs culturels », mais parce qu’on a le courage et la capacité de revendiquer ce respect face à n’importe quel adversaire, et peu importent les conséquences.

Durant ces trois premières années de votre mandat, vous avez sillonné le monde pour faire rentrer le pays dans le concert des nations respectées et respectables, mais force est de constater que le résultat est plutôt mitigé, car seul le rapport de force domine.
Prenez par exemple le dirigeant Nord-coréen, Kim Jong Un, qui du haut de son mètre 60, a réussi à faire se déplacer le tonitruant ex président américain Donald Trump, pour le rencontrer, et échanger avec lui. Trump avait promis publiquement, lors d’un discours à l’Assemblée générale des nations unies, de détruire la Corée du Nord si Kim Jong Un procédait encore à des tirs balistiques menaçant pour les alliés des USA. Il n’en fit rien, lorsque quelques jours plus tard, ce dernier, non seulement ne respecta pas sa promesse de démanteler des sites nucléaires, mais en plus, continua ses exercices de frappe. Pourquoi croyez-vous, Monsieur le Président, que jusqu’à ce jour, vos demandes de rencontre avec le Président américain, de Trump à Biden, soient restées lettres mortes ??? Le Congo ne pèse pas, et il ne pèsera pas plus via l’exportation de la rumba ou du Ndombolo ! Le rapport de force est le seul langage international qui soit compréhensible.

Arrêtez d’être gentil, Monsieur le Président ! Personne ne respecte les gentils, au contraire, on leur marche sur les pieds ! De tout temps, les actions diplomatiques n’ont porté leurs fruits que lorsqu’elles s’accompagnaient de moyens de coercition clairement présentés. Préparer la guerre a toujours été le seul gage d’une tranquillité durable. Même dans une cour de récréation d’une quelconque école primaire, les plus tranquilles sont ceux qui savent sortir les griffes et en user pour défendre leurs positions. Ce sont là des principes naturels de survie dans tout groupe social, humain comme animal.

Monsieur le Président, soyez courageux et mettez nous en position de guerre face au Rwanda, sur tous les plans. Le peuple est fatigué d’entendre parler de ce petit pays qui nous dérange comme s’il s’agissait d’une fatalité, d’une réalité insurmontable. Vous qui semblez proche de votre peuple, écoutez-le, et donnez-lui satisfaction, car être la risée du monde n’est plus une option acceptable. Vous tirerez de cette action un dividende politique énorme, en même temps que vous inscririez votre nom en lettres d’or dans le livre de l’histoire de cette patrie. Nous sommes prêts à accepter le bannissement de toutes les communautés régionales et internationales, qui du reste ne nous apportent absolument rien de concret, du moment que notre pays prend enfin la décision d’assumer ses ambitions de grandeur.

L’heure est aux grandes décisions et à l’action, ne passez pas à côté de l’histoire !

Merseign Luzonzo, citoyen

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